Les bergers corses pratiquent depuis des temps immémoriaux un pastoralisme de double transhumance entre les pâturages de zone côtière (Piaghja) utilisés lors des mois hivernaux (et rejoints lors du démontagnage début Octobre) et les estives (ou pâturages d’altitude) utilisés lors des mois d’été (et rejoints lors de la transhumance début Juin). Les bergers utilisaient (et utilisent) presque exclusivement le feu pour remplacer la forêt par des formations arbusives ou herbeuses constituant une meilleure source d’alimentation pour les troupeaux. Les déplacements de transhumances et lors des estives suivent les invistite, des parcours sur lesquels les bêtes ont droit de passage et pacage. Ces parcours sont souvent inchangés de mémoire d’homme ; ainsi les passages répétés année après année augmentent la pression sur le couvert végétal le long de ces invistite qui peuvent parfois couvrir des zones très étendues.
Les parcours les plus longs s’effectuaient entre la région du Niolu et les zones côtières entre Sagone et Calvi, mais toutes les régions corses ont mis en place ce système de transhumance de Piaghja a Muntagna. Jean-François et Nathalie, bergers à l’Arghjaccia dans le bas de la vallée du Prunelli, m’avaient ainsi demandé de l’aide pour le démontagnage du troupeau. Après une saison estivale très difficile pour les brebis, il fallait du renfort pour s’assurer le moins possible de péripéties supplémentaires. Connaissant la région comme ma poche (voir par exemple le tour du Renosu) et disponible à ce moment là après une semaine de formation d’accompagnateur en montagne j’étais une bonne personne ressource !
Au final, dans la lignée de cette estive 2014, ce fut plus compliqué que prévu. Après avoir embarqué Marie, autre stagiaire accompagnatrice qui partira des Pozzi, je m’élance vers les bergeries de Latina où je dois stoppé le troupeau pour les guider vers la croupe qui servira de zone de bivouac pour la nuit. Au lendemain le programme est de redescendre pratiquement toute la vallée du Prunelli.
Résumé: Une partie de cache-cache avec (la moitié d’) un troupeau de brebis, une nuit à déjouer leurs plans d’évasion avec pour seule aide une clochetière décidée à avancer à pas feutrés, et une descente du lendemain qui s’est transformée pour quelques instants en un remake de bip-bip et le coyote façon « western » de Bastelica: « Citron and co vs. les cochons du bord de route ».
Berger, ça va bien un weekend, mais c’est trop prenant si ce n’est pas une vocation !!